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 Anthropologie politique aristotélicienne et Justice

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Fujiwara no Yasumasa
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Fujiwara no Yasumasa


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MessageSujet: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeMar 5 Aoû - 7:48

J'ouvre ce post en référence à la section spiritualité et au caractère sacré de la justice dans la grèce antique. Je ne développe pas ici un topic parallèle au sacré mais le complète indirectement par une reflexion sur le droit et la justice dans la Grèce antique. La pensée aristotélicienne ici me semble être une bonne entrée en matière pour clarifier la chose.

- j'établis dans un premier temps un cadre général (I) :
* comment s'inscrit la méthodologie aristotélicienne dans une pensée antique aux saveurs de la métaphysique (A)
* comment Aristote aborde le politique, élément nécessaire à la constitution d'un droit et d'une justice (B)

- j'établis dans un second temps les implications de la pensée d'Aristote sur la justice tout en la remettant en perspective dans la pensée de l'époque (II) :
* la constitution d'un "droit politique " (A)
* l'avènement d'une discipline (B)

- je conclus

- j'indique la bibliographie



I. Cadre général

Aristote prend ses fondations idéologiques dans le terreau de la pensée grecque de son époque ce qui nécessite d’analyser son particularisme par rapport aux références d’alors (A) et ce avant d’apprécier la consistance de sa pensée politique (B).

A. LA METHODOLOGIE ARISTOTELICIENNE DANS LA PENSEE ANTIQUE


La Théorie antique, à entendre au sens étymologique du terme [ Theo-Orao], est avant tout une vision du divin qui irrigue tous les champs de connaissance (1). Que cette dernière touche les hautes cimes de la réflexion ou la vie pratique, elle est le point de référence, l’éternel retour à la cohérence même de ce qui fait l’unité intellectuel de l’époque. Les présocratiques, d’Anaxagore à Héraclite, se sont attachés au fil de considérations métaphysique à faire sens au monde à partir d’éléments primordiaux comme le feu, l’air, l’éther ou l’eau.
Mais ce qui reste un invariant, c’est en terme technique l’hylozoïsme de leur pensée. A savoir que le cosmos est à l’image d’un être vivant dans lequel s’inscrit toutes choses d’après une harmonie, une logique [logos ]. Cette quête de sens pour répondre finalement à cette question récurrente à l‘époque :  « Nous savons maintenant, pour l’avoir maintes fois constaté, que la pensée antique grecque de ce temps était obnubilée par le changement sous toutes ses formes : naissance et mort, bigarrure du sensible, et la fixité du concept de l’Être -bref, le problème de l’Un et du Multiple …»(2) .
Pour Platon, c’est un univers hiérarchisé d’Idées ou d’Essences prenant leur source dans l’Idée par excellence qu’il appelait l’Un-Bien. Le sensible étant une émanation dégradée de la véritable réalité que sont les Idées ou les Essences. Comment donc son disciple Aristote entendait-il la Théorie antique. Selon quel modus operandi pouvait il se fonder pour apprécier la réalité sensible. Car pour comprendre sa pensée politique, il est nécessaire de comprendre la logique des valeurs méthodologiques qui sous tendent sa réflexion.

La méthodologie aristotélicienne est avant tout une théorie de la connaissance. Une manière d’appréhender le sensible à partir de concepts fondamentaux. Le monde est matière (Hulè), sa structure et son contenu sa forme (Morphe). La forme n’étant pas uniquement extérieure, elle caractérise la matière. Tels sont les deux principes de base de la philosophie d’Aristote, d’où le terme choisi pour la caractériser : l’Hylémorphisme (3).
La matière peut prendre diverses formes. Il parle de la matière en puissance. Sa finalité, sa forme dans le langage aristotélicien, est l’acte de la matière ou son entéléchie ( terme emprunté au bas latin entelechia lui-même pris du grec entelekheia « énergie agissante et efficace » avec pour contenu télos « l’achèvement ou la fin » ). Subséquemment, la forme donne à la substance d’être ce quelle est tout en lui assignant sa finalité. Dit autrement, toute finalité est la nature propre de l’origine. Toutefois, la
matière première n’est accessible que par un travail de réflexion. Toute connaissance sensible n’étant que des composés de matière et de forme toujours en puissance. Qui plus est, la matière est susceptible de changements qui ne transforment pas sa substance mais qui sont des accidents : la substance est en puissance par rapport à ses accidents. Par conséquent, il est nécessaire de remonter à la substance de toutes choses pour connaître la réalité sensible dans sa vérité.


B. LE POLITIQUE SAISI PAR ARISTOTE : SANS METAPHYSIQUE , SATUREE D’EXPERIENCE.

Il s’avérerait que la démarche d’Aristote comporte une large part inductive ce qui le distinguerait de son mentor. Reste à résoudre la question de l’ouvrage la Métaphysique qu’on attribue à Aristote avant de déterminer en quoi l’hylémorphisme influence la théorie politique du stagirite.

«  Il y a une science qui contemple l’étant en tant qu’étant et ce qui lui appartient par lui-même… » (4)

La Métaphysique d’Aristote ne comportait à l’origine aucun titre et survenait après le Cour de Physique. Par la suite ce titre a été interprété comme signifiant que l’ouvrage traitait d’un objet qui se situait au-delà de la physique, autrement dit au-delà de la nature [Meta ta phusika]. Ce fut Andronikos de Rhodes qui vers 50 avant Jésus-Christ opta pour cette dénomination. Il regroupa également les multiples traités d‘Aristote à son idée.
Dans le contenu de la Métaphysique le stagirite apprécie la notion en terme de philosophie première. A l’époque, la philosophie recouvrait un champ large de connaissance que la spécialisation scientifique s’est partagée de nos jours. Mais la philosophie première au sens de Science première étudie les premières causes et les premiers principes. Aujourd’hui, c’est le terme de philosophie en tant que discipline scolaire distincte des mathématiques et des sciences de la nature qui remplit la mission de la philosophie première.

Le livre A de la Métaphysique constitue une histoire de la philosophie, même le modèle d’une histoire philosophique de la philosophie. La naissance historique de la philosophie c’est le progrès de la connaissance humaine qui abstrait peu à peu du sensible les connaissances intelligibles. C’est en ce sens la raison de la prote philosophia(Philosophie première ). Si elle est abstractive, c’est-à-dire qu’elle part de l’expérience pour remonter à l’intelligible, la connaissance humaine est aussi régressive, le raisonnement remonte souvent de l’effet à la cause, les effets étant mieux connus que leurs causes. Pour Platon, c’est remonter à un universel qui doit être réel, la connaissance intellectuelle serait une illusion. Toutefois, il ne saurait appartenir à la réalité sensible, mouvante et instable. La vérité première réside donc ailleurs. Mais pour Aristote, la vérité est accessible qu’au travers de l’expérience grâce à l’intellect agent (5) dont il parle dans son Traité de l’âme (Livre II). Cet intellect agent étant capable de tirer l’intelligible des représentations sensibles contenues dans l’imagination. Il finit son livre A en validant l’assertion de la Physique selon laquelle il y a quatre causes (matérielle, formelle, efficiente, connective).
Dans le livre alpha, le stagirite réaffirme que la science de l’étant est la science de la vérité, car la vérité manifeste ce qui est. En outre, elle est recherche des causes, car on ne connaît parfaitement la vérité que lorsqu’on connaît le pourquoi.
Le livre B se concentre sur les problèmes que devra traiter la métaphysique au travers des apories ( exemple : s’il y a quatre causes, l’étude des causes relève-t-elle quand même d’une seule science ou de plusieurs ? ).
La sélection de ces trois livres de la Métaphysique résume l’essence de la philosophie première aristotélicienne, bien loin de ce que nous pouvons entendre aujourd’hui pour le même terme. Sa métaphysique est avant tout une episteme phusike c’est-à-dire une réflexion sur le premier moteur qui fait l’entièreté de la « phusis ». Et ce déterminant ultime, Aristote l’appelle le Theion ( le divin). Cette métaphysique du « Theion » deviendra la Théologie chrétienne (6). Cependant, la constitution de l’étant ne s’y fait pas de manière mythique comme dans le Protagoras de Platon. Au contraire, l’être est étudié selon son expression phénoménal pour remonter aux principes selon la méthode dite de la diaporamétique, le theion n’étant qu’un cadre à la réflexion d’Aristote et non sa justification.
Ce qui pousse à affirmer par conséquent, que la politique est appréhendée par Aristote « sans métaphysique » et « saturé d’expérience » (7).

Ainsi, le domaine du politique va être saisi par La Politique d’Aristote. Sa cohérence intellectuelle est intelligible grâce à la Métaphysique qui constitue une charnière fondamentale entre l’hylémorphisme et la pensée politique du stagirite.


Dernière édition par Fujiwara no Yasumasa le Mar 5 Aoû - 8:51, édité 18 fois
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Fujiwara no Yasumasa
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Fujiwara no Yasumasa


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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeMar 5 Aoû - 7:49

(suite)


II Le "Droit" aristotélicien dans la pensée antique

A. LA CONSTITUTION D'UN "DROIT POLITIQUE"

D'après les développements précédents, le citoyen de la cité est avant tout un être cognoscible à partir duquel est déterminable des potentialités. La démarche consistant ensuite à rassembler le phénomène politique avec les fondements principiels - de la matière à la forme -. En outre, pour expliquer ce qui baigne le politique aristotélicien, il faut se référer à l'Éthique à Nicomaque livre I [1094 a I- 1095 a 11] postulant que le bien est la fin de l’action humaine. Une assertion que l’on retrouve dans l’ouvrage d’Aristote au travers la notion d’utilité commune des citoyens [8]. Par conséquent, la cité, d’un point de vue de la philosophie politique aristotélicienne, devient le lieu de réalisation de ce summum bonum. Il convient dès lors de connaître la fin éminente de la société politique puisque «la nature d’une chose, c’est sa fin »(9).
On le voit, la réflexion politique du stagirite est intrinsèquement liée à la méthode qui ressort de l’ensemble de ses traités, l’hylémorphisme, avec pour principal tuteur le fond conceptuel de la Métaphysique. La dimension éthique du politique qui sera traitée plus tard est très présente chez Aristote du fait de l’importance de l’utilité commune. Sans plus s’avancer dans ce domaine on peut toutefois esquisser les contours d’un véritable « droit politique » que Michel Villey développe au travers de la philosophie du droit d’Aristote (10). En substance, la question morale globalisante sous jacente à la métaphysique moderne s’efface au profit d’une dimension plus pratique que l‘on nommera l‘éthique. La connaissance de l’être (Sein) par l’induction permet de déterminer sa puissance ou potentialité (Sollen). Ce dikaion phusikon (droit naturel) est le fondement de la réflexion du juge de l’époque qui agit en équité plutôt qu’en droit évitant par là même de s’appuyer sur une loi rigide. Aristote devient ainsi l’inventeur du droit naturel non pas de manière abstraite, mais en établissant ses racines dans le dikaion phusikon. Le dikaion phusikon et le dikaion politikon constituent la charpente théorique -l’ éthique- de la société politique d‘Aristote.

Platon pensait pouvoir résoudre la crise des valeurs éthiques politiquement en confiant le pouvoir à ceux qui possédaient la Science. Contraint d’admettre que ce projet est irréalisable, il préfère un système où les lois limitent les abus des gouvernants. Pour Aristote, « le savoir a subi une fracture qui reflète la césure fondamentale du cosmos : le type de savoir sur lequel s’appuie l’action humaine dans le monde sublunaire est un savoir pratique différent du savoir scientifique rigoureux… » (11).
Il y a donc un savoir qui relève du sensible mouvant et contingent au sein duquel matière et forme apparaissent tantôt liées tantôt séparées sans possibilité de distinction. Comme Michel Villey l’a analysé, le juge doit être « prudent » et pouvoir déterminer ce qu’il faut faire dans un tel monde. Par conséquent, l’idéal type de l’homme politique est une personne capable d’une gestion globale dans un cadre législatif donnée. Pour cela, il faut certes un savoir-faire (12) mais aussi une solide connaissance sur ce qu’il convient de faire, sur ce qui est bien, et une autre connaissance des cas particuliers (13 ).
L’homme clé de cette politique est le nomothète, le législateur, non un technicien de la légistique mais un homme qui tire sa qualité de sa propre excellence qu’il fait «… entrer dans l’âme des hommes »(14) par les lois qu’il édicte.


B. L'AVENEMENT D'UNE DISCIPLINE ?

Si la question éthique reste présente en filigrane, une interrogation devient de plus en plus présente à l’aune des dikaiov politikon et phusikon d’une part, et de l’importance du nomothète d’autre part. En effet, en partant des acquis de l’hylémorphisme et du droit naturel aristotélicien, existe-t-il une science politique particulière au Stagirite ?
C’est le livre IV de La Politique qui apporte un élément de réponse au travers des recherches complémentaires sur les Constitutions.
Aristote commence par réaffirmer l’objet de la politique. Chaque domaine possède sa science propre, au rebours de ce qu’affirmait Platon qui subordonnait toutes les Sciences à la dialectique. Même s’il n’emploie pas le terme de « science » politique, il est clair que ce qu’il développe est une discipline qui regarde l’agir humain en communauté. Or, Raymond Aron attribuait à Montesquieu la constitution d’une « Théorie politique » en ce sens où ce dernier associait une nomenclature des types de gouvernement et la recherche du meilleur régime avec une « théorie sociologique » analysant les causes (15). Ce qu’Aristote réalise tout au long de son ouvrage avec comme cadre méthodologique sa théorie de la connaissance.


C’est pourquoi, il serait judicieux de remplacer le terme de « science politique » par Philosophie morale et politique aristotélicienne que la notion globale de « Philosophie des affaires humaines » (16) regroupe.


CONCLUSION

La formalisation théorique du droit et de la justice dans la Grèce antique la plus aboutie reste celle d' Aristote au travers de son "Droit politique " (Dikaion politikon ).
Elle se nourrit de la vision du divin de l'époque tout en l'adaptant dans une dynamique plus "sécularisée " à la chose publique.

Il n'en reste pas moins que le droit aristotélicien contient une forte dimension éthique dans la mesure où il doit permettre la réalisation des potentialités de chacun au sein de la cité par une justice redistributive. Cette conduite des âmes confère au droit et à la justice de l'époque - il est à noter que le terme de dikaion est valable à la fois pour exprimer l'idée de justice et de droit -une dimension sacrée quasi religieuse.
Cette confusion droit et de la justice aboutit à une théorie hybride aux confluents du mythe et de la "science" politique. D'où cette mixité entre un droit naturel et un droit politique.

On peut alors retrouver dans le dikaiov grec des éléments de positivisme juridique - le fonctionnement institutionnel par exemple - ainsi que des normes de droits sacrées comme l'interdiction du pêché d' "hybris" ( ubris ), pêché ayant fait le pain béni des auteurs de tragédie comme Eschyle Sophocle ou Euripide. Cette interdiction est également à l'origine de mythes ( tel celui de Narcisse ) ou des adages ( le gnôthi séauton - "connais toi toi même" -, inscription gravée au-dessus du temple de Delphes et reprise par Socrate ).




SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES


I.Le cadre général

(1) L. Ferry, Apprendre à vivre : Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations, Paris, Plon, 2006.
(2) L. Jerphagon, Les Dieux et les Mots : Histoire de la pensée de l’Antiquité au Moyen-Âge, Paris, Tallandier, 2004, p. 144.
(3) Ibid., pp. 146-147
(4) Aristote, Métaphysique , Livre IV.
(5) Aristote, Traité de l’âme, Livre II.
(6) M.Heidegger, Les concepts fondamentaux de la métaphysique, Bibliothèque de Philosophie, Gallimard, 1992.
(7) O. Höffe, « Le libéralisme de méthode », in La liberté des anciens, sous la direction d’Alain Renaut, Calmann-Lévy, 1999, tome 1, pp. 132-133.

II. Le "Droit" aristotélicien dans la pensée antique

[8] Aristote, « La Politique » , livre III, chap. 6 et 7, in Aristote, Morale et politique, trad. Thurot, Paris, 1881.
(9) Aristote, La Politique, I, 2, 1252a-15, 1253a.
10) M. Villey, La formation de la pensée juridique moderne, chap. III, Quadrige, Paris, PUF, 2003.
(11) P. Pellegrin, « Aristote », in Dictionnaire de philosophie politique, sous la direction de P. Raynaud et S. Rials, Paris, PUF, 2006.
(12) Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 13, 1144 a 23.
(13)Ibid., V, 8-9.
(14)Ibid., VIII, 14, 21.
(15) M. Grawitz et J.Leca, Traité de science politique : la science politique, science sociale, l’ordre politique, Paris, PUF, 1985, tome 1.
(16) Aristote, Éthique à Nicomaque, op.cit., X, 1181 b 15
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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeMar 5 Aoû - 9:30

Fujiwara no yasumasa :

Bravo pour cet apport de références que tu ajoutes à notre discussion sur le sacré.

J’avoue que je dois faire un effort pour comprendre ce que traduisent des mots inhabituels. Néanmoins il me semble nécessaire de faire ainsi, même s’il faut lire et relire, associer ce texte aux propos plus communs qui font notre quotidien.

Ne serait-il pas nécessaire d’ « actualiser » les apports d’Aristote en enrichissant certains de ses concepts par des concepts plus « concrets » qui découlent des sciences modernes s’appliquant à la description de la matière, de l’information, des sciences cognitives appliquées à la perception du réel ?

Mais le jardinier qui vit en moi a quelque scrupule à proposer un effort dont il n’est sans doute pas capable lui-même.

Merci FNY pour cette activation de mes neurones.
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Fujiwara no Yasumasa
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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeMar 5 Aoû - 10:20

Si nous voulions retraduire les propos d'Aristote dans un langage plus moderne, la première chose à cerner serait sa vision du monde : la matière et la forme.

Je vais essayer de prendre un ou deux points de références.

- Dans la physique quantique, David Bohm décrit notre monde dans deux dimensions : un "ordre ex-pliqué", un ordre im-pliqué.
L'odre "ex-pliqué" , c'est celui que nous percevons. Toutefois, au niveau quantique, la matière ne se comporte pas comme nos perceptions l'entendent. Nous serions un peu tels des téléspectateurs voyant sur deux télévisions différentes deux poissons alors que la caméra n'en film qu'un seul.

Traduisons en langage aristotélicien. La matière, disons notre vision et les deux télévisions permettent l'expression de ce poisson que nous voyons double. Mais la forme véritable qui donne sa finalité aux deux télé et à notre perception actuelle, c'est le poisson. Chez Aristote, il faudra analyser le monde phénoménal pour remonter à la cause de notre vision : nous-mêmes et un poisson filmé .

Un second exemple moins confus pourrait être celui d'une maison en construction. Les pierres, le bois, le ciment sont les matériaux nécessaires à la maison mais pas encore la maison. Ils sont en puissance. La maison elle est la forme ou l'"acte" des pierres, bois et ciment.
Toutefois, des accidents peuvent survenir et les matériaux qui auraient constitué la maison deviennent inutilisables pour leur destination. Par conséquent, pour que nous puissions connaître la maison et sa matière il est nécessaire d'analyser les différentes causes et effets qui pourraient changer la donne pour aboutir à la connaissance véritable.


- J'aimerais ajouter ici un second point de référence. L'analyse Bouddhiste qui découle de l'Ecole de la voie du milieu ( Madhyamaka).
Deux niveaux deux vérités se distinguent : Relative et absolue. Rappelons que dans le Bouddhisme les choses n'existent pas comme si elles étaient indépendantes : elles n'ont aucune consistance parce qu'elles sont interdépendantes.
Donc, la vérité relative, c'est celle qui nous fait croire a priori que lorsque nous regardons le soleil, nous pouvons le rejoindre en marchant vers lui. Nous pensons que le soleil est autonome.
La vérité absolue c'est d'analyser et de comprendre que le soleil dépend de multiples causes et effets (vitesse de la lumière qui stimule notre rétine, distance de la terre au soleil, etc.) et qu'il n'est aucunement atteignable à pieds.

Cette analyse peut s'appliquer à la pensée aristotélicienne. Tant que nous n'analysons pas les multiples enchaînements de causes à effets que nous percevons, nous ne pourront connaître la vérité absolue de toute chose. Il s'agit donc d'un raisonnement inductif (ou empirique ) partant du monde phénoménal vers la vérité absolu. Ce qui rejoint également les propos de David Bohm : Vérité relative = Ordre ex-pliqué = perception anarchique de la matière et de la forme chez Aristote ; Vérité absolue = Ordre im-pliqué = atteinte de la vérité chez Aristote par le raisonnement syllogistique.


CONCLUSION : Ainsi, c'est sur ce fondement qu'Aristote analyse le droit politique et la justice. Il analyse le citoyen en terme de matière et de forme (ici cela pourrait se traduire par qualités du citoyen = matière = vérité relative etc. ; potentiel du citoyen = forme = vérité absolue etc. ).
Partant, il établit ce que devrait être une cité conforme aux qualités et potentiels de tous ses citoyens.
Il structure ensuite son droit politique selon cette finalité, le souverain bien des citoyens c'est à dire une cité propre à révéler leur potentiel.


Dernière édition par Fujiwara no Yasumasa le Mar 5 Aoû - 14:09, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeMar 5 Aoû - 13:14

Oui, cet exposé est très intéressant. Je sens que je vais mettre un peu de temps à tout comprendre car je n'ai pas toutes les références nécessaires... à digérer lentenment...
Merci en tout cas!
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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeJeu 7 Aoû - 2:01

Bonjour à tous,

Je reviens sur la notion de matière et de forme.

Dans le cas d'un objet, la forme parfaite a un rapport avec son utilité. Une chaise, par exemple, est parfaite si elle remplit bien son rôle de chaise.

Et pourtant, il y a de nombreuses chaises; de la simple chaise en plastique à la belle chaise en chêne massif.

La vérité absolue de la chaise est-elle seulement la perfection de son utilité ?

Pour les citoyens, tu dis, Fuji, que leur potentiel c'est la forme et c'est la vérité absolue.

La forme, c'est donc que chacun utilise librement son potentiel et soit heureux dans la cité.

Les potentiels humains étant très variés, la cité idéale doit donc tenir compte de ces divers potentiels et donner aux citoyens la possibilité de les réaliser. Ce qui veut dire aussi qu'elle devra accepter dans son sein la présence de citoyens qui n'apporteront rien à la communauté, ce qui est normal concernant les malades, les infirmes, mais les autres ? ceux qui pourraient faire mais qui ne font pas (manque de volonté, faiblesse, manque de courage, fainéants).....

La forme concernant les êtres humains serait aussi liée à l'utilité, la fonction comme les objets ?

Et, comme les objets, il y aurait diverses qualités.

Pour les objets, les qualités seraient : solidité, matière noble, esthétisme et confort, conformité à l'usage pour lesquels ils ont été créés.

Pour le citoyen, la qualité essentielle serait l'aptitude à développer tout son potentiel (et que la cité lui en donne la possibilité).
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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitimeVen 8 Aoû - 3:20

Citation :
« …le souverain bien des citoyens … une cité propre à révéler leur potentiel. »

A condition que ce potentiel ne nuise pas à ce qu’il y a de plus sacré - me semble-t-il - pour un être vivant : la vie d’abord, puis la conscience qui permet de comprendre la nature des choses.

La matière prend forme … la vie donne forme aux êtres vivants … et la conscience est donnée à certains êtres vivants au point de les rendre de plus en plus lucides.

Pour moi ce qu’il y a de plus important et qui devrait être sacré :

-C’est la solidarité qui relie toute chose et crée l’interdépendance.

- C’est le bien-être qui, bien que relatif, guide les actes entre santé et souffrances.
- C’est la lucidité qui permet de réaliser aux mieux les rapports entre les différentes formes que prend la matière pour aboutir à cette lucidité.

La cité ne vaudrait donc que par, et pour, l’amour, le bien-être, et la lucidité … ce qui est discutable, évidemment.
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MessageSujet: Re: Anthropologie politique aristotélicienne et Justice   Anthropologie politique aristotélicienne et Justice Icon_minitime

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