JE COURAIS DANS LA VILLE
Je courais dans la ville quand je l’ai rencontré. Alors, je me suis arrêté.
Là sur le trottoir il pianotait de ses pattes fragiles le clavier de l’hiver. Il avait l’air étrange, un faux air peut-être, un de ceux qui s’allient au silence pour jouer le staccato de leur désespérance Pourquoi me suis-je arrêté ?
Le sentis-je fragile en ses dernières notes ? J’avais entendu voilà bien longtemps cette comptine : « pigeon vole ! » Cet oiseau là ne savait plus jouer avec l’élan du cœur, il faisait semblant, inventait une fête pour un jour mortel, pour que ce soit plus décent de faire la manche plutôt que jouer au mendiant.
Sa tristesse faisait peur à voir ! Pourvu qu’on n’entende pas sa plainte…Alors comme se faisait –il que j’en eusse perçu les notes ? En musique, est-ce donc plus facile à comprendre ? « Pigeon vole ! Pigeon vole ! » Il n’ajouta rien mais je compris qu’avec un ciel si bas on ne pouvait pas espérer.
Je ne sais s’il sut lire ce faible désarroi en mon regard ? J’ai vu sur ses lèvres naître quelques bribes : « Des miettes suffiront pour réchauffer mon coeur ! Pour ton sourire et ta main tendue. .Oui ! pour ces bonheurs qui passent, avant que les grands froids ne m’endorment, je jouerai encore:« pigeon vole ! » Juste pour toi… »
Il pianote de ses pattes fragiles le clavier de l’hiver.
Va, cours dans la ville, quelques miettes suffiront… ?
Pierre WATTEBLED – le 16 novembre 2007