Silence !
Chuuuut ! Ne dis rien
Ecoute…
Écoute le silence…Il fut au commencement, la toute première chose que tu écoutas au premier jour, juste avant ton cri. Le premier, celui dont tu ne te souviens plus, que le silence a absorbé : à vrai dire, le silence contient tout de l’homme. Il me semble qu’il est une chambre d’écho incommensurable, le miroir sans fond de l’humanité, où tout se noie dans la démesure. Est-ce donc perdu, quelque part, au loin, au fond, nulle part, ailleurs ? Peut-on jamais perdre ce qui ne nous appartient pas en propre ? Nous sommes le silence et sa voix, intimement mêlés, indifférenciés dans l’étreinte, ne vivant que de l’autre. Irrémédiablement.
Chuuut ! Ne dis rien !
Ecoute…
Efforce-toi d’entendre cette voix du néant d’où jaillit ta conscience d’être. Elle n’est qu’un souffle impalpable, quand on y pense, une pathétique caresse… que ta raison ne sache saisir de même que tes mains, fusses- tu magicien. Et pourtant, tu acceptes l’imperceptible autant que l’étrange, allant souvent à sa rencontre tant il apaise et rend tout possible, l’inaccessible lui - même. Tu deviens ce regard du silence en toi – même. Alors, peu importe qu’il t’envahisse !
Chuuut ! Ne dis rien !
Ecoute…
Oui, tu as bien compris : il t’appelle. Parfois, il te surprend en pleine cacophonie, au milieu du tumulte, quand passent les hordes de loups effrayants…loups humains…gueules ouvertes, dents acérées, et qui fomentent en silence des rêves de prédateurs. Je t’ai dit de te taire et voilà que tu cries dans tes cauchemars d’enfants. Admets – le, enfin! Le silence peut être un stratagème, feindre le courage par exemple, contenir sa rage ; et, pourquoi pas, un sourire comme un voile sur des larmes ? Bien sûr…
Chuuut ! Ne dis rien…
Ecoute…
Un tilleul frémit sa douceur parfumée, la profondeur des cieux dans sa rivière d’étoiles scintille mille poissons d’argent ; parfois, un dé jeté, météorite déchirant le firmament, paraphe une esquisse furtive où s’inscrit le silence. L’insaisissable devient une présence. En toi même, premièrement. C’est si fort, tellement puissant, que l’allégresse jaillit dans le cri rauque d’un oiseau de nuit. Quelque chose t’emporte sur les chemins de l’infini. Ne dis rien, offre à tes lèvres les mots que jamais elles n’oseront.
Ecoute le silence… avant ton premier cri ? Ou l’aurais- tu inventé ?
Pierre WATTEBLED – 29 juin 2007