Le monde de la gastronomie ne saurait se contenter d'expressions communes pour décrire la réalité des émotions qu'il suscite chez ceux qui la pratique et les usages régionaux on conservé une richesse de langage qu'il conviendrait de généraliser au titre du partage des richesses nationales.
Par exemple, utilisez vous les synonymes de «manger» répertoriés par le chanteur Aristide Bruant dans son dictionnaire du français populaire de la fin du XIXe siècle ?
En voici quelques uns : affûter ses meules, babouiner, béquiller, bouffer, chougner, clabotter, se caler les amygdales, se débrider la margoulette, jouer des badigoinces, jouer des dominos, mettre à la caisse d’épargne, se bourrer le fanal, se charger le flingot, se taper la tronche, morfier, se caresser l’angoulême, tortiller du bec, flanquer une claque, se passer par le coco, se passer par la rue au pain, régaler son cochon, s’entripailler, s’en foutre jusque-là…
Si vous en connaissez d'autres n'hésitez pas allonger cette liste.
Mais la gastronomie régionale utilise bien d'autres expressions (lire à ce sujet les excellent livres
Ripaille et marmitons, les Mots de la table &
Carafes et alambics, les Mots du vin, deux nouveautés de la collection «Bouquets de mots». Éditions le Robert ; 80 pages ; 9,95 € chacun)
En voici quelques exemples croustillants :
Attraper. Qui n’a pas connu cette mésaventure culinaire quand le frichti accroche au fond de la casserole : ça
arrape ou
attrape en Auvergne, ça
rime dans la Drôme et ça
choque en Lorraine.
Benaise. On est
benaise dans le Poitou,
bien aise en Auvergne quand on est heureux d’avoir bien mangé.
Mais gare pourtant aux excès : quand on digère mal, on dit que
«ça caille sur le jabot» dans le Poitou, et on en a bientôt
«par-dessus le leûtot», nom de la pomme d’Adam en Bourgogne.
Cayouner. Une fois le cochon tué, c’est un gros boulot que de cayouner (Ardèche), c’est-à-dire de préparer la charcuterie et les salaisons. Quand la graisse du cochon aura grillé, on se régalera de
grattons dans le Lyonnais, de
regrignes en Isère ou de
greubons chez les Suisses.
Déticher. En Champagne, on détiche quand on enlève tout ce qui est gâté dans un fruit ou un légume, et parfois même on va jusqu’au
coton, puisque les Québécois appellent ainsi le trognon d’une pomme comme le cœur d’un légume.
Éperon. Rabelais parlait d’«éperons bachiques» à propos des salaisons, andouilles et saucissons qui poussent à boire, comme les éperons poussent un cheval à prendre le galop.
Frigousser. Une poignée de légumes ou de viande dans la poêle où chante une pointe de graisse et vous frigoussez en Bourgogne,
fricassez dans le Sud-Ouest.
Gasser. On
gasse dans le Lyonnais,
gassouille en Bourgogne quand on remue une sauce.
Pour ce faire, on utilise une
mouvette, la cuillère en bois normande, ou encore une
papinette dans les Ardennes.
Léchet. Chez les Lyonnais, c’est une baguette de bois entourée d’un chiffon qui permet de graisser juste ce qu’il faut (admirable précision que seule permet la pifométrie) le fond de sa casserole.
Pratique et tellement évident qu’on ignorait jusqu’à ce jour le nom du dit léchet.
Matolée. À force d’attraper au fond de la casserole, votre frichti va finir en
matolée (Auvergne), en
carbouille (Aquitaine), en
raquion dans la Sarthe ou en
mascare dans le Midi.
Nâreux. En Champagne, c’est le genre de petit mangeur qui ne sait pas se tenir à table. En Franche-Comté, on parle de
gueules gâtées tandis qu’en Normandie on se méfie des
délicats qui mangent du bout des dents : ils
chaugnent en Auvergne et sont
pignoches en Beaujolais.
Il y a celui qui trie la nourriture : c’est
l’aquetou en Franche-Comté et la
béchouille en Isère. Les Ardéchois disent de lui qu’il
peluche.
Oule. L’oule, dans le Sud, est l’un des divers noms de la marmite, du pot où l’on cuit qui devient
cabouloir en Champagne,
bronzin ou
bron en Savoie et
cloche en Auvergne.
Avant que n’apparaisse en France le mot cocotte, la marmite s’appelait
coquelle.
«Avoir la coquelle», c’est, pour un Lyonnais, avoir de la chance.
Panne. C’est l’un des multiples noms géographiques de la poêle : dans le Roussillon, «on peut être gourmand comme une panne» alors qu’en Belgique la panne est aussi bien une poêle qu’un bassin hygiénique.
Dans le Nord, «il y a ceux qui arrivent toujours à temps pour lécher la
payelle».
Queune. Un fromage est queune quand il est bien tendre et prêt à couler, dans le Dauphiné. Celui qui
s’éliampe coule franchement. Dans le Jura, un fromage
punais est un fromage trop fait.
Râchet. Désigne un mauvais couteau en Franche-Comté, aussi appelé
bachet. En Bourgogne et en Champagne, on parle
d’allemelle ou de
châtre-bique, et dans le Lyonnais il s’agit d’une
ramelle.
Soupe dorée. En Auvergne, la soupe dorée désigne les restes de pain dur que l’on accommode en les trempant dans du vin ou de l’œuf et du lait, puis qui sont frits à la poêle et sucrés. C’est l’une des multiples déclinaisons locales du pain perdu, encore appelé
coupétade en Lozère ou
croûtes dans les Alpes et le Jura.
Tiaque-bitou. C’est le nom bourguignon du fromage blanc enrichi de crème mêlée d’ail et de fines herbes.
Dans le Lyonnais, on parle de
cervelle de canut et de
camion dans l’Ain.
Voila, c'est tout pour aujourd'hui et bonsoir chez vous.
saintpierremeister